Fédération sénégalaise de football (FSF) a dit ne pas exclure de saisir les instances internationales compétentes en matière de droits de l’homme dans le domaine du sport, pour faire cesser « ce qui ressemble à un harcèlement institutionnalisé (…)’’ contre l’international Idrissa Guèye, suite à son absence lors du match de son club coïncidant avec la journée dédiée à la lutte contre l’homophobie.
Le footballeur du PSG aurait refusé de porter un maillot floqué aux couleurs de la cause LGBT, pour la journée de lutte contre l’homophobie dans le football. Et depuis, il est visé par de vives critiques pendant que la polémique enfle dans les médias et sur les réseaux sociaux.
Dans un courrier dont l’APS a obtenu une copie, la Fédération sénégalaise s’est émue des injonctions adressées par le conseil national de l’éthique (CNE) de son homologue française à Idrissa Guèye, sommé de dire s’il a oui ou non refusé de participer à une opération contre l’homophobie.
Le but de cette correspondance « est de contraindre le joueur (Idrissa Gana Gueye) à faire ce que son libre arbitre ne l’incline à faire », souligne la FSF dans sa correspondance. « C’est avec une grande surprise (et une grande inquiétude sur le traitement de certains joueurs essentiellement d’origine africaine, disons-le clairement) que la Fédération Sénégalaise de football a pris connaissance de la lettre du 17 mai 2022 portant en-tête de la FFF (Fédération française de football) et censée venir de son conseil national de l’éthique », peut-on lire. « S’il est difficile de trouver les bases légales, statutaires ou réglementaires d’une telle démarche dans les textes du football ou du sport en général, sa finalité est par contre claire : contraindre le joueur à faire ce que son libre arbitre ne l’incline à faire », écrit la FSF dans son courrier.
Et de s’interroger : « Comment une instance qui prétend promouvoir l’éthique dans le football peut se fonder sur des supputations pour s’adresser à une personne pour lui enjoindre de s’exprimer et pire encore de s’afficher avec le maillot aux couleurs LGBTQI+ pour mettre fin aux dites supputations ».
L’instance dirigée par Me Augustin Senghor estime que cette injonction de la FFF semble rappeler des « pratiques d’un autre temps dans les salles de classes des écoles où pour punir l’élève insoumis, le maître ou le professeur le mettait au supplice de l’humiliation devant ses autres camarades de classe pour la sanction comme pour l’exemple ». La FSF invoque « un principe élémentaire en droit qui dit que nul ne peut être tenu à apporter la preuve d’un fait négatif », avant de se demander : « Pourquoi ledit conseil national d’éthique n’a-t-il pas commencé par demander aux médias français qui ont porté l’accusation d’apporter la preuve de leurs allégations ? » « Mieux, questionne-t-elle encore, pourquoi ne s’est-elle pas adressée au club du joueur qui a communiqué sur les raisons de la non-participation d’Idrissa Gana Guèye au match de la polémique ?’’ Pour la FSF, « manifestement et inconsciemment, au moment d’écrire sa lettre », l’auteur du courrier « n’a pas pu s’empêcher de mettre en lien la situation qu’il décrit ou déplore avec la couleur (ou la religion) de Mr Idrissa Gana Guèye ».
Ce faisant, s’est-il rendu compte qu’il est en train de stigmatiser le dit joueur en le classant d’emblée et sans son avis dans la catégorie des personnes discriminées ?’’, poursuit la lettre de la FSF.
La Fédération sénégalaise de football en conclut que ce courrier présente « toute la problématique des libertés de nos jours, (lesquelles) ne sont plus universelles ». « Il y a celles que l’on promeut voire impose, même au forceps s’il le faut, d’autres pour lesquels on détourne la tête et qui ne bénéficieront jamais d’une journée de championnat dédiée malheureusement », a-t-elle fait valoir. Selon la FSF, « s’il y a quelqu’un qui doit clarifier sa situation ou faire amende honorable, ce n’est point Idrissa Gana Guèye mais bien Mr Patrice Anton du conseil national d’éthique de la FFF qui, non content de chercher de la fumée là il n’y a point de feu, est pris en flagrant délit de menaces voilées et de propos discriminatoires à l’encontre d’un joueur professionnel dont le seul tort est de ne pas avoir joué un match de championnat ». « Ce qui au demeurant jusqu’à plus ample informé est un fait courant et ne concerne que les relations entre ce dernier et son club employeur », relève l’instance sénégalaise en charge du football.
La FSF dit se voir « obligée dans de telles circonstances et sans préjudicier en aucune manière aux règles qui régissent le football dans une association sœur, d’exprimer toute sa solidarité au joueur Idrissa Gana Guèye, membre de l’équipe nationale du Sénégal et dont elle peut témoigner des qualités humaines exceptionnelles et de son sens poussé du respect de l’autre sans concession sur le respect qu’on lui doit lui-même en tant que personne jouissant d’une totale liberté de conscience ».
« Elle (la FSF) se réserve également le droit de saisir les instances internationales compétentes dans le domaine du sport ou en matière de droits de l’homme pour que ce qui ressemble à un harcèlement institutionnalisé cesse », lit-on dans le courrier.